Alors que le gendarme de la bourse poursuit Elon Musk en justice, l’action de la marque s’effondre. Mauvaises nouvelles? Ou simples «nouvelles péripéties»?

Tesla aurait du fêter les progrès de la 3. Au lieu de cela…

Alors que Tesla aurait du passer un week-end plutôt festif, puisque de nouveaux lots de son modèle 3 sont enfin livrés à leurs propriétaires, c’est une fin de semaine cauchemardesque qui s’est abattue sur le fabricant de voiture électriques californien. En cause, le gendarme américain de la bourse, la SEC (Securities and Exchange Commission), qui poursuit le patron Elon Musk en justice. La réaction des milieux financiers ne s’est pas fait attendre: le cours de l’action de Tesla a chuté de 13,90% à la clotûre vendredi soir. La valeur de la société aurait ainsi perdu pas loin de 7 milliards de dollars, passant à  45,2 milliards de dollars et repassant du même coup derrière GM (47.5 milliards).

Ce que la SEC reproche au fantasque PDG? Le fait d’avoir sciemment semé le doute en diffusant, le 7 août dernier sur Twitter, un communiqué dans lequel il prétendait avoir trouvé des investisseurs pour racheter sa société et la faire sortir de la bourse. Une nouvelle qui avait fait l’effet d’une bombe et qui avait remonté les actionnaires contre Musk, ce dernier n’ayant jamais jugé bon d’informer son conseil d’administration de ses projets.

Fallait-il voir cette action comme la manoeuvre de trop pour lutter contre ceux qui spéculent à la baisse contre son entreprise? Ou comme une conséquence supplémentaire de ses comportement erratiques, lui qui paraît de plus en plus flirter avec le burn-out et multiplie les annonces et les comportements déroutants? Toujours est-il qu’avec l’entrée en jeu de la SEC, l’affaire prend désormais une tournure plutôt critique. Car si les fanfaronnades d’Elon Musk déclarant qu’il allait sortir Tesla de la bourse avaient fortement déplu aux autorités de surveillance, le fait qu’il ait déclaré partout, haut et fort, que «le soutien d’investisseurs était confirmé et qu’un fonds spécial pourrait être créé pour les actionnaires qui souhaiteraient conserver leurs titre» avait déclenché une envolée du cours de l’action. Ce qui constitue un délit aux yeux de la SEC. S’il n’entre pas dans les attributions de cette dernière d’enclencher des actions pénales, elle entend bien poursuivre Elon Musk au civil.

Selon Reuters et Bloomberg, le co-directeur de la division répression de la SEC, Steven Peikin, a d’abord publié un communiqué stipulant que «Elon Musk ne sera plus le dirigeant de Tesla, que le conseil d’administration de Tesla allait précéder à une réorganisation en profondeur, incluant une obligation de contrôler la communication d’Elon Musk avec les investisseurs. Et que M.Musk et la compagnie Tesla seraient tous deux soumis à de fortes amendes, le premier pour avoir influé sur les cours de l’action et la seconde pour n’avoir pas su gérer et contrôler la communication de son patron». Précisant encore que cette résolution de la SEC «visait à empêcher de nouvelles perturbations du marché et de nouvelles inquiétudes pour les actionnaires.”

Tesla sans Musk? Impensable.

Un communiqué que la SEC a «adouci» samedi, renonçant à demander l’écartement complet de Musk de la direction. Car que vaudrait encore la marque si elle était privée de son remuant fondateur? De fait, un grande partie des actionnaires semblait juger les effets d’une telle mesure comme «désastreuses» pour une compagnie qui, on le rappelle, n’a jamais enregistré le moindre bénéfice.

Jerôme Guillen

Alors que Tesla avait annoncé, le 13 septembre, avoir engagé le Français Jérôme Guillen en qualité de président de Tesla, en charge des activités automobiles,  la SEC en veut plus: la nomination de deux directeurs, et la nomination d’un comité d’administrateurs indépendants. «Les deux parties (Tesla et la SEC) ont pris le temps de la réflexion, ont respiré un bon coup et en sont arrivées à la conclusion que, dans l’intérêt de la compagnie et de ceux de ses investisseurs, il fallait avancer et passer à autre chose», a déclaré à la presse Stephen Crimmins, un ancien avocat de la SEC aujourd’hui associé chez  Murphy & McGonigle. “Les actionnaires de Tesla pourront dormir ce soir, sachant que Musk va rester proche de la direction de l’entreprise mais que, dans le même temps, des garde-fous solides ont été mis en place.»

Mais l’étau se resserre toujours plus. D’autant qu’Elon Musk a récemment du faire face à des départs en série de hauts responsables. Coup sur coup Dave Morton, le directeur financier, Gabrielle Toledano, la responsable des ressources humaines et Sarah O’Brien, la vice-présidente en charge de la communication de la marque, ont quitté le navire. Et Musk lui-même, dans un entretien au New York Times affirmait, le 17 août dernier, «être dans un grave état de stress». 

Mal pris, le charismatique patron essaie de s’en sortir via un communiqué, dans lequel il se déclare «profondément attristé et déçu par cette action injustifiée de la SEC», continuant par un: «J’ai toujours agi dans le meilleur intérêt de la vérité, de la transparence et des investisseurs. L’intégrité est la valeur la plus importante de ma vie et les faits démontreront que je n’ai jamais compromis cela d’aucune manière.»

L’action de la SEC ne résout cependant pas le cas des autres poursuites, engagées directement contre Musk par certains investisseurs qui voient aujourd’hui leurs plaintes renforcées par l’intervention officielle du gendarme américain de la bourse. Si certains faits mis à jours par des mails, des déclarations ou des documents auxquels ils n’avaient pas encore eu accès tombaient dans les mains des avocats de ces parties civiles, les affaires de Musk pourraient sérieusement se compliquer…

Selon Bloomberg toujours, citant une source anonyme proche de Musk, ce dernier entendrait maintenant racheter pour 20 millions d’actifs supplémentaires de la compagnie à de la prochaine occasion d’achat. Elon Musk est déjà l’actionnaire principal, détenant à lui seul 20% des actions de Tesla.