En matière de conduite semi-assistée, on est encore très loin de pouvoir faire une confiance aveugle à sa voiture. Un test de l’EuroNCAP le prouve

Quand votre voiture ressemblera à ça, elle pourra conduire toute seul. En attendant…

Les médias devraient vraiment faire attention… À force d’en parler partout, il y a des idées qui finissent, comme ça, par prendre valeur d’évangile. Selon un récent sondage, co-édité par l’organisme indépendant EuroNCAP (le même qui réalise les crash-tests) et l’institut de recherche Thatcham (sondage réalisé en octobre 2018 auprès de 1567 possesseurs d’automobile en Allemagne, Chine, Espagne, Etats-Unis, France, Italie et au Royaume Uni), il ressort ainsi que plus de 70% des gens pensent qu’il est déjà possible, aujourd’hui, d’acheter une voiture capable de conduire toute seule. Étonnant, non?

Parce que si un nombre toujours grandissant de véhicules offrent des assistances à la conduite qui, mises bout à bout, se rapprochent de plus en plus d’une conduite automatisée, on en est encore loin. Et les accidents passés le prouvent: vouloir confier sa sécurité à une caméra, une direction assistée et quelques détecteurs radar équivaut encore, à l’heure actuelle, à jouer à la roulette russe. C’est pour cela d’ailleurs que la plupart des systèmes intervenant directement sur la direction se désactivent au bout de quelques secondes s’ils ne sentent pas l’effet du conducteur sur le volant…

Toujours obnubilés par la sécurité automobile et soucieux de la faire progresser, les experts de l’EuroNCAP ont donc décidé de passer ces systèmes «autonomes» au crible, pour en détecter forces et faiblesses, histoire de tordre le cou aux rumeurs et stopper cette confusion généralisée. Comment s’y sont-ils pris?

Ils ont choisi dix voitures, soit un échantillon représentatif des meilleurs véhicules équipés des technologies les plus récentes, à savoir une Audi A6 (avec Adaptative Cruise Assist) , une BMW Série 5 (avec Active Driving Assistant Plus) , une DS 7 Crossback (avec Connected Pilot), une Ford Focus (avec Co-Pilot 360), une Hyundai NEXO (avec Smart Cruise Control), une Mercedes-Benz Classe C (avec Active Distance Assist DISTRONIC), une Nissan LEAF (avec ProPILOT), une Tesla Model S (avec Autopilot), une Toyota Corolla (avec Toyota Safety Sense)et une Volvo V60 (avec Pilot Assist). Toutes équipées d’un système d’assistance leur permettant, sur autoroute et dans certaines conditions, de réaliser des tâches de conduite autonome toutes seules, en combinant le régulateur de vitesse adaptatif et le système de surveillance de voie.

Ils ont ensuite recréé des conditions de trafic particulièrement délicates et les ont simulées sur un parcours d’essai. Ainsi, pour tester le tempomat adaptatif (capable de conserver la vitesse choisie mais, aussi, de s’adapter aux conditions de trafic en ralentissant tout seul si un véhicule plus lent se place devant vous ou si le véhicule qui vous précède freine, par exemple), ils les ont soumis aux tests du «cut-in» (déboîtement) et «cut-out» (rabattement). Dans le premier cas, une voiture de la voie adjacente change de voie brusquement, juste devant votre voiture. Dans le second, la voiture devant vous se rabat brusquement sur l’autre file, pour éviter un véhicule arrêté sur la votre ne vous laissant que très peu de temps pour réagir et freiner. Deux cas de figure que l’on rencontre chaque jour sur autoroute.

Les résultats: la DS et la BMW ont échoué, offrant un faible niveau d’assistance et laissant le conducteur en «première ligne»; l’Audi, la Ford, la Hyundai, la Mercedes, la Toyota, la Nissan et la Volvo ont offert un bon équilibre entre action du conducteur et système d’assistance. La Tesla, quant à elle, a poussé un peu trop son conducteur à lui faire confiance en prenant systématiquement le contrôle. Mais de façon générale, aucune voiture n’a réussi. Clairement dit, le «cut-in» et le «cut-out» sont les scénarios les plus problématiques et les crashes n’ont pu être évité que par des conducteurs attentifs qui ont été en mesure de freiner et de faire une manoeuvre d’évitement. Pour l’instant du moins, pas question de s’en remettre uniquement aux assistants!

Une seconde batterie de tests a été mise au point pour évaluer les système de «maintien de voie», censés garder votre voiture toujours bien au centre de sa partie de chaussée, agissant au besoin sur la direction pour ramener la voiture en ligne. Ces systèmes devant être en permanence actifs, tout en laissant au conducteur la possibilité de donner un coup de volant pour éviter un nid de poule, sans se désactiver.

Là encore, la Tesla a eu tendance à «prendre le contrôle complet», poussant son conducteur à s’en remettre entièrement à la machine. Pas question d’agir sur le volant pour éviter le nid de poule, sinon le système se débranche… Sur les autres véhicules, les experts ont relevé des taux d’assistance variables. (résultats complets sur https://www.euroncap.com/fr/sécurité-des-véhicules/campagnes-de-sécurité/2018-conduite-automatisée/)

Autre système indispensable quand on veut parler de conduite automatisée, l’assistance à la vitesse permet à la voiture de «reconnaître» les limitations de vitesse, que se soit via une caméra qui détecte et «lit» les panneaux, soit en se fiant aux données enregistrées dans le GPS. Sur certaines voitures, par exemple, il suffit d’enclencher le régulateur de vitesse pour qu’elle s’adapte, passant automatiquement de 50 km/h en ville à 80 km/ sur route, allant même jusqu’à ralentir à l’approche d’un village pour se retrouver précisément à 50 km/ à la hauteur du panneau de limitation. Malheureusement, tous les véhicules participant au test n’en étant pas équipé, cette fonction, pourtant essentielle quand on parle de conduite autonome, n’a pas pu être testée…

Chez BMW on est un peu optimiste: ça ne marche que dans certaines circonstances précises.

Pour être parfaitement complet, l’EuroNCAP a également vérifié les informations mises en avant par les constructeurs dans leurs publicités ainsi que dans les manuels d’utilisation, pour être certains qu’aucune indication fausse ou exagérée n’y soit diffusée. La plupart des constructeurs s’y conforment scrupuleusement. Le test a toutefois pointé du doigt une publicité dans laquelle le conducteur d’une BMW lâche le volant, laissant sous-entendre que la Série 5 est capable de conduite autonome. Et remarqué que, dans plusieurs vidéos promotionnelles, Tesla suggère une conduite autonome de sa Model S, de telle façon que le consommateur peut être induit en erreur alors que le manuel d’utilisateur, lui, informe de manière très précise. 

Les conclusions sont sans appel: 1) aucune voiture actuelle ne propose de «pilote automatique», 2) le conducteur reste 100% responsable de la conduite, 3) correctement utilisées, ces systèmes peuvent permettre de réduire grandement le nombre d’accident, 4) ces systèmes ne doivent EN AUCUN CAS être utilisés dans d’autres conditions que celles pour lesquelles ils sont prévus et 5) chaque constructeur a sa propre approche en matière d’assistance.  Le secrétaire générale de l’EuroNCAP, Michiel van Ratingen, résume les choses ainsi: «Le message de l’EuroNCAP  est clair: toutes les voitures actuelles, y compris celles qui sont équipées de systèmes d’assistance très sophistiqués nécessitent un conducteur très vigilant derrière le volant en tout temps. Les systèmes d’assistance, eux, constituent une «sauvegarde» de second plan qui peut se révéler capable de leur sauver la vie».

Les résultats en vidéo: