Pékin assouplit ses lois envers les constructeurs européens et est en passe de gagner la guerre commerciale face à Washington

La Chine, nouvel Eldorado pour les constructeurs? Jusqu’à aujourd’hui, il était permis d’en douter. Quand, il y a une dizaine d’années, les fabricants européens se sont lancés à l’assaut de l’Empire du Milieu, beaucoup n’y ont évidemment vu que l’occasion magnifique d’aller faire des bénéfices mirobolants sur le marché le plus prometteur du moment.

Mais il y avait une contre-partie qui avait de quoi faire froid dans le dos: chaque constructeur qui voulait prendre pied en Chine ne pouvait le faire qu’en s’associant à un partenaire local. Et ledit partenaire était, forcément, majoritaire. Qu’allait-il se passer au terme du contrat? Dans un pays où la notion de «propriété intellectuelle» n’existe pas, on pouvait légitimement craindre une prise de pouvoir du partenaire chinois, remerciant poliment son «ami»  européen au terme du partenariat. Et conservant, à son seul profit, know-how et… chaînes de montage que ledit «ami» avait, contractuellement, dû amener en guise de dot.

Cette crainte semble pourtant s’estomper: BMW vient d’annoncer que, pour un peu plus de quatre milliards, elle allait reprendre la majorité de la société qu’elle a fondée avec Brilliance. Le nouvel accord prévoit que l’entreprise bavaroise détiendra 75% des actions, contre 49 actuellement. C’est une première historique! Et la preuve que Pékin est en train d’assouplir ses règles protectionnistes régissant le plus grand marché automobile mondial. La mesure prendra effet en 2022, date d’entrée en vigueur de la nouvelle politique économique chinoise en matière de partenariat automobile. «Nous assistons à la naissance d’une ère nouvelle», a déclaré le patron de BMW Harold Krüger.  

L’usine BMW/Brillance de Shenyang

Et la tendance a l’air sérieuse. Pour la première fois, Pékin prétérite un de ses industriels au profit d’étrangers: l’action Brilliance a chuté de 50% depuis que l’on a appris qu’une telle mesure allait certainement être adoptée. Elles ont même été suspendues ce jeudi matin. Mais BMW se veut rassurant, martelant que le but de la manœuvre est d’augmenter la capacité de production des usines de  Shenyang et d’y regrouper la production des voitures à «nouvelles énergies». On parle chez BMW d’investissements de l’ordre de 3 milliards. De quoi conforter Pékin qui a annoncé que la durée de ces nouveaux accords allait être prolongée de 2028 à 2040. De quoi inciter d’autres Européens à imiter BMW et à investir massivement en Chine. 

L’usine BMW de Spartanburg, aux USA

Pour le coup, au fond de son bureau ovale, Donald Trump devrait commencer à se poser de sérieuses questions… Avec une pareille «ouverture» de la part de Pékin, il se pourrait fort que les constructeurs délocalisent massivement leur production. Les prévisions de croissance étant largement favorables à l’Asie, la mesure aurait de quoi faire basculer la balance commerciale à l’Est. Et laisser les Etats-Unis se débattre, tout seuls, avec leur protectionnisme forcené. BMW, par exemple, aurait ainsi tout avantage à produire un maximum de X4, X5 et X6 à Shenyang, plutôt que dans son usine de Spartanburg, en Caroline du Sud, où elle produit des véhicules dont le coût a fortement augmenté depuis le début de la guerre commerciale entre Washington et Pékin. Or il se trouve que BMW est l’un des plus gros… exportateurs de voitures «made in USA» vers la Chine!

Les leaders chinois l’ont bien compris et multiplient les gestes de bonne volonté, allant même jusqu’à assouplir les règles qui limitaient à 50% également la participation des investisseur étrangers dans tout le business concernant les véhicules électriques. Et l’ouverture va plus loin, puisque la Chine diminue ses taxes d’importation concernant les voitures, mais aussi les médicaments contre le cancer et toute une gamme de produits de consommation. Le géant allemand de la chimie BASF sera, par exemple, le premier «étranger» autorisé à bâtir, en Chine, une usine dont il sera le propriétaire unique.