La question vaut des millions, voire des milliards: peut-on dire du «Dieselgate» que c’est l’ «Affaire VW»? Jusqu’ici, peu de monde se l’est posée. Depuis ce funeste mois de septembre 2015, lors duquel on a vu s’effondrer la morgue du grand patron Martin Winterkorn obligé d’admettre en public, en plein Salon de Francfort, qu’il avait menti et trompé ses clients, le grand public a toujours fait l’amalgame diesel-VW.

De fait  – et c’est indéniable –  Volkswagen a triché, Volkswagen à menti, Volkswagen a trompé ses clients, Volkswagen s’est cru au-dessus des lois. Corollaire, «Das Auto» a cristallisé la vindicte et symbolisé, depuis lors, le scandale des émissions truquées.

Que l’on s’entende bien: il n’est pas question ici de minimiser la responsabilité des menteurs qui présidaient au destinées de Wolfsburg à l’époque. Ils ont triché, ont été pris et ont, ou vont, payer. Cher. Une bonne nouvelle pour les clients qui voient ainsi qu’aucun consortium n’est assez puissant ni assez riche pour pouvoir tout se permettre en échappant aux conséquences. La récente chute de Carlos Ghosn en est un autre exemple patent.

Mais ce qui, depuis le début de l'»Affaire», me chiffonne un peu, c’est que les attaques pointent systématiquement vers le même logo. Car enfin, soyons honnêtes, pensez-vous vraiment que si la possibilité de tricher VW soit le seul groupe a y avoir eu recours?

Poser la question, c’est un peu y répondre. Et la réponse, évidemment, est négative. De fait, outre Audi, VW, Skoda, Seat et, dans une moindre mesure Porsche, les marques du VW n’ont pas été les seules à être épinglées. Ou du moins rattrapées par les soupçons de fraude. Dans le désordre, Ford, Mitsubishi, Nissan, Opel, PSA, Renault, Suzuki, et Mercedes ont tous eu affaire à la justice. Le 23 février 2018, BMW reconnaissait même avoir «par erreur» équipé des véhicules diesel avec un logiciel non conforme. Et Fiat/Chrysler tout comme General Motors sont actuellement dans la tourmente aux USA.

Le point commun? À chaque fois un logiciel a été installé qui permet de modifier la programmation du moteur au moment où celui ce retrouve en phase de test. Par rétro- ingénierie, les inspecteurs ont même facilement pu remonter au code source dudit logiciel. C’est-à-dire à la façon dont le programme peut, en fonction de la situation, décider d’activer ou pas le processus de diminution des émissions polluantes.

Or, pour VW et Fiat en tout cas, d’où provient ce logiciel? Du géant équipementier allemand Robert Bosch! C’est lui qui fabrique les blocs EDC17 pour moteurs diesel. Et les enquêteurs sont formels: ils ont trouvé «des preuves solides qui montrent que les deux dispositifs truqués ont été fabriqués par Bosch, puis activés par les deux constructeurs pour leurs véhicules respectifs», déclare Kirill Levchenko, un chercheur en informatique de l’Université de San Diego auquel les enquêteurs américains du Dieselgate ont fait appel.

Pour le coup personne, jamais, n’a parlé de «Boschgate». Et pourtant… Très vite entendu dans le cadre de l’enquête en Allemagne, Bosch s’est toujours tenu à une ligne de défense angélique: il affirme que, s’il ‘a bien inventé et mis au point, il n’a remis ce logiciel à VW qu’à des fins… de tests. Comme si, jamais, on n’aurait pu imaginer que, le logiciel existant, quelqu’un allait avoir un jour envie d’en faire usage!

De fait, Bosch a déjà payé 327,5 millions de dollars à la justice américaine (VW, elle, a déjà payé plus de 23 milliards) pour se dépêtrer des poursuites civiles concernant VW aux Etats-Unis, tout en clamant haut et fort son innocence. 

Raté! Le 10 janvier dernier, Bosch vient d’être à nouveau condamné à passer à la caisse. Dans le cadre de la procédure engagée à l’encontre de FCA Fiat Chrysler Automobile. Montant de la facture: un peu plus de 131 millions de dollars. 98,7 millions allant à 47 Etats, au district de Columbia, Porto Rico et Guam, tandis que 27,5 millions seront répartis entre 104 000 propriétaires de Fiat ou Chrysler et que 5 autres millions serviront à payer les frais de justice.

Vous avez dit justice?