Amaigri et grisonnant, Carlos Ghosn est apparu en public pour la première fois depuis son arrestation, le 19 novembre dernier, pour présenter sa ligne de défense devant la Cour du district de Tokyo.

Pour la première fois depuis son arrestation en novembre dernier, l’ex-patron de Nissan est apparu en public. C’était mardi matin, devant la Cour du district de Tokyo, où il est arrivé menotté et sans cravate. Visiblement amaigri – à cause d’une diète carcérale surtout composée de riz, selon un correspondant japonais, il est apparu aussi légèrement grisonnant, visiblement marqué par sa détention.

Dans et autour du palais de justice, les journalistes ont dit avoir assisté à un vrai «cirque»: des représentants des médias assiégeaient littéralement les entrées, tandis qu’une nuée d’hélicoptères survolaient le bâtiment. En outre, plus de 1000 personnes ont participé au tirage au sort qui permettait d’obtenir un des quatorze sièges d’observateur situés sur le balcon de la salle d’audience et réservés au public.

Face à la Cour, Ghosn et ses avocats ont présenté une défense en quatre points (lire «La déclaration de Carlos Ghosn devant le tribunal de Tokyo) réfutant un à un les chefs d’accusation qui lui sont reprochés et qui ont mit un brutal point d’arrêt à la carrière d’un des plus grand patron de l’industrie automobile mondiale.

C’était un jour capital dans l’étrange procédure dans laquelle est englué Ghosn: depuis son arrestation rocambolesque, à bord de son jet privé à son arrivée au Japon le 19 novembre, le patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi n’avait encore jamais eu la moindre occasion d’exposer sa version des faits. Au terme de sa déposition, ses avocats ont déclaré vouloir demander sa libération conditionnelle immédiate. Sans quoi sa détention devrait se poursuivre au moins jusqu’au 11 janvier. La mesure n’a toutefois que peu de chance d’aboutir: la justice japonaise n’accorde quasiment jamais de libération conditionnelle aux prévenus qui contestent les charges.

Me Motonari à son arrivée au tribunal

Lors d’une conférence de presse qui a suivi l’audition, l’avocat principal de la défense, Otsuru Motonari, a admis que son client serait sans doute mis en accusation une seconde fois dès vendredi et verrait donc sa mise en détention poursuivie. Selon lui, Carlos Ghosn pourrait avoir à attendre six mois supplémentaire avant de voir son procès s’ouvrir. “En général, au Japon, la liberté conditionnelle n’est jamais accordée avant le premier procès.”

Rumeurs de pressions démenties

Me Motonari, qui a lui aussi fait partie de l’équipe du procureur en charge du dossier avant… de prendre la défense de Carlos Ghosn, a en revanche démenti un communiqué de presse qui prétendait que ses ex-collègues auraient tenté de faire pression sur Carlos Ghosn: «À aucun moment Monsieur Ghosn ne nous a dit qu’on aurait tenté de le faire signer un document écrit en japonais, une langue qu’il ne maîtrise pas.»

Ce que l’on a appris, c’est que Ghosn aurait désormais droit à quelques améliorations de ses conditions de détention, comme une cellule un peu plus grande et un lit à l’occidentale, pour remplacer le futon auquel il avait droit jusque là. Mais il n’aura toujours pas droit aux visites de membres de sa famille. Seuls ses avocats peuvent venir le trouver ainsi que, et c’est une particularité de la justice nippone, les enquêteurs qui peuvent venir l’interroger à n’importe quel moment et sans la présence des avocats.

À la fin de la comparution de Carlos Ghosn, le juge Yuichi Tada lui a relu la liste des charges, déclarant que, devant les risques potentiels de fuite, de corruption de témoins ou de destructions de preuve, une mesure de liberté conditionnelle lui était refusée.

Mercredi, on a appris via l’association de la presse étrangère que, sans surprise, l’appel interjeté par les défenseur du patron Franco-brésilien a été rejeté par la Cour de district de Tokyo. Ses avocats ont annoncé qu’ils allaient faire appel auprès d’une cour supérieure, a annoncé la chaîne officielle japonaise NHK.

Et Renault?

Accaparé pour les six prochains mois à préparer sa défense, le PDG déchu voit son futur professionnel de plus en plus compromis. S’il n’a plus aucun avenir chez Nissan ni Mitsubishi, qui l’ont d’ores et déjà révoqué de leurs conseils d’administration respectifs, qu’en est-il de Renault? Officiellement, le groupe français fait le dos rond, arguant du fait que la présomption d’innocence prévaut encore. Le Losange affirme donc maintenir son entière confiance à Carlos Ghosn. Mais pour combien de temps?