Au premier coup d’oeil, la Cadillac CTS-V ne ressemble à rien d’autre qu’à une limousine américaine. Mais quand on approfondit un peu…

Oui, bon, d’accord. Au jour d’aujourd’hui, l’écopolitiquement correct impose de parler de volts, de watts, de temps de recharge et d’autonomie restante. D’accord. Mais vous nous connaissez, non? À force, vous avez du comprendre qu’on est loin d’être ne serait-ce qu’un peu convaincus qu’inonder les routes de voitures à piles dont on ne connaît ni la fiabilité, ni le réel rayon d’action et dont on n’a toujours pas trouvé de solution satisfaisante pour le recyclage ne nous paraît pas être un si bonne idée que cela. Malgré les millions investis.

Pour autant, on reconnaît l’urgence de la situation et le besoin de changer les choses. Et, donc, on continue de s’intéresser de près au progrès réalisés par les ingénieurs en matière de moteur à explosion. Ce qui nous amène à tester toutes sortes d’engins, plus ou moins classiques et plus ou moins innovants. Et, parfois, on tombe sur un véritable ovni. Et on retombe très vite dans nos vieux travers. On ne se refait pas…

Car la Cadillac CTS-V est l’un de ces ovnis: au premier abord, ses lignes affirmées, sa large grille frontale et les immenses lignes de LED verticales qui lui servent de feux de jour attirent l’attention. Mais «raisonnablement». Ne serait-ce cette étrange prise d’air qui surplombe son capot, elle ressemblerait même furieusement à une limousine «normale».

Ne vous y fiez pas: cet engin est en réalité… un vrai dragster. De fait, il suffit de la regarder de côté pour comprendre. Les immenses disques de freins, avec leurs étriers rouges signés Brembo, sont les premiers à donner le ton. Suivis pas les ouïes latérales, derrière les roues, savamment étudiées pour diffuser la chaleur de freinage. On remarque ensuite l’aile en carbone à l’avant et le petit aileron, lui aussi en carbone, sur le dessus du coffre.

Au moment où vous pressez sur le bouton «START», les derniers voiles tombent alors qu’un vrombissement hallucinant s’éveille sous le capot. Il émane d’un véritable monstre: un V8 de 6,2 litres suralimenté qui développe la bagatelle de 649 chevaux. Voilà, tout est dit. Ou presque. Sous ces dehors de familiale BCBG, cet accélérateur de particulier n’est qu’un déguisement civil pour le moteur… de la Corvette! Une sorte d'»emballage» un rien moins tapageur et faussement cosy.

Qu’on se comprenne bien: l’intérieur, sans être à la hauteur des finitions et du raffinement des grosses berlines allemandes, n’en est pas moins chic, confortable et soigné. De plus, l’instrumentation est très complète, le confort bien réel et les accessoires et l’ergonomie des commandes en rapport avec ce que l’on attend d’une voiture dans laquelle on investit un peu plus de 128 000 francs. Bienvenue à bord de l’un des plus originaux missiles made in Detroit, Michigan, USA.

Durant les premiers kilomètres, vous allez faire comme nous: rouler calmement, histoire de «sentir» les réactions de la bête. Dame! Avec 855 Nm sous le pied droit, personne ne serait assez dingue pour vouloir lâcher la bride d’une telle cavalerie sans s’être assuré que les pneus sont bien montés en température. D’autant qu’il n’y a qu’une seule porte de sortie de l’écurie: le train arrière. Prudence donc.

Sur ces premiers kilomètres, on s’habitue donc gentiment à l’engin, on s’apprivoise, on se découvre. On trouve assez vite un bouton de modes qui permet de passer du mode confortable à un mode sportif, un mode sécurisé pour pluie et neige et un intriguant mode «Piste»: oui, cet engin incroyable a bel et bien été prévu pour aller tourner sur circuit! D’ailleurs, en option, on peut même s’offrir un système d’enregistrement des performances qui permet d’analyser ses tours sur piste et qui comprend même une caméra intégrée.

Mais pour l’instant, pas de ça Lisette! On est sur route, il fait froid et… l’engin pèse quand même 1850 kilos à vide. Donc respect. Et, de fait, tout se passe assez calmement. Par la magie d’une boîte très douce, d’une direction nette et d’une suspension magnétique qui fait des merveilles en matière de liaison au sol. Après un premier quart d’heure, donc, tout va bien.

Mais dans le cockpit, la pression monte. On a envie «de voir». Logique. Cap, donc, sur une petite route de campagne, qui mène à un joli col aux petits lacets marqués. On passe en mode sport, on appuie et… on admire. La berline se mue en sportive. Au lieu de ronronner sur le couple, elle se met à nous «scotcher» au siège une fois la barre des 3500 tr/min franchie. Le freinage est d’un mordant diabolique, l’attaque des courbes est franche et le seul bémol, est, comme toujours, de maîtriser la sortie. Tout est question de dosage. Une pression trop franche sur l’accélérateur une fois le point de corde passé se traduit par 1) l’impression que le châssis «se plie», 2) un début de glissade du train arrière et 3) une intervention rapide du système de stabilisation. Cet engin, c’est sûr, a un potentiel de «catapulte» très au-delà du commun.

En arrivant dans les petits lacets du col, les choses se corsent, logiquement. La «poussée» est telle que la voiture demande de solides notions de pilotage pour ne pas se laisser embarquer. Si la suspension tient le choc sans trop broncher, les puces du différentiel électronique, elles, se mettent à sauter dans tous les sens et la boîte se met au diapason, tentant de rétrograder à chaque coup d’accélérateur. Un passage en mode manuel aide rapidement à réduire le problème. À l’arrivée, ça sent le chaud et la gomme, mais quel fun! Et l’on regrette, une fois de plus, qu’il n’existe pas en Suisse un endroit où l’on puisse aller pour passer en mode «Piste» et lâcher les chevaux sans arrière-pensée, dans un environnement sécurisé. Bref.

Retour à la vie «civile», donc et test de la chose qui intéressera sans doute plus ceux qui seraient tentés de s’offrir un tel engin: un long run sur autoroute, à 120 km/h, pour voir jusqu’où on peut faire descendre la consommation moyenne de ce cyclotron. Le verdict est surprenant: à la fin de l’essai le calcul est clair: 9,1 l/100 km de moyenne. Un résultat rendu possible par le fait que le moteur est équipé d’un système qui coupe quatre des huit cylindres quand le moteur n’est pas en charge. Et ce résultat pourrait sans doute être encore amélioré si la voiture était équipée d’un régulateur de vitesse adaptatif. On notera que le système de surveillance des voies fonctionne de façon efficace et que, en mode «Tour» la CTS-V permet d’avaler les kilomètres en toute tranquillité permettant même de goûter à la qualité du système audio embarqué (oui, je sais, c’est un sacrilège quand le moteur «chante» si bien, mais bon…), ou de répondre au téléphone via le système mains-libres.

En conclusion? Quand on aime l’automobile, que la notion de «plaisir de conduire» ne paraît pas être une hérésie totale et qu’on aime l’originalité, on ne peut que craquer devant les qualités de la CTS-V. Elle procure son content de sensations, fortes la plupart du temps, sans jamais rechigner. Elle sait se faire, tour à tour, confortable ou radicale, offre un confort bien réel, à l’avant comme à l’arrière, son coffre est large et facile d’accès et son équipement riche et très complet. Mais ce qui restera le plus longtemps en mémoire, c’et le chant rauque et puissant de son V8 dont le caractère explosif fait, c’est clair, l’essentiel du charme de cette voiture atypique. Nous, on adore. Mais, hélas, ses jours sont comptés: comme pour la Corvette, cette Cadillac CTS-V Sedan porte le label «final edition». Eh oui: c’est la dernière version V8 que Cadillac propose.

Et on n’est vraiment pas certains qu’une hypothétique version plug-in hybrid puisse être aussi sexy.

FICHE TECHNIQUE