Le constructeur d’Hiroshima va lancer sur le marché sa première voiture 100% électrique, facile à prendre en main et au comportement proche d’une voiture classique. Avant l’arrivée, l’an prochain, d’une version dotée d’un extenseur d’autonomie.

À tort ou à raison, l’automobile a plongé tête la première dans l’ère de l’électrique. Longtemps réservée à quelques constructeurs «exotiques», cette niche n’en est désormais plus vraiment une. Avec l’arrivée massive du VW Group et de quelques stars comme Jaguar, BMW, Audi, Mercedes ou Porsche , les voitures électriques n’ont jamais été aussi branchées.

À cela plusieurs raisons. La «vague verte», évidemment, qui fait que tout le monde veut apporter sa contribution à l’abaissement du taux de CO2. Ou le besoin, pour certains, de redorer un blason profondément sali par le dieselgate. Et puis, bien sûr, il y a Les nouvelles normes édictées par Bruxelles qui se profilent pour l’an prochain. Et il faut être clair: il sera impossible pour un constructeur d’atteindre les fameux 95g/km sans avoir, dans son portefeuille, au moins une voiture 100% électrique – et donc, en théorie du moins, «zéro CO2» – pour faire baisser la moyenne de sa flotte.

Chez Mazda qui, depuis des années, navigue à contre-courant en défiant les modes avec des inventions originales, on ne s’attendait donc pas vraiment à voir arriver une voiture électrique. Même si, il y a une petite dizaine d’années déjà, on avait pu parcourir quelques kilomètres au volant d’une Mazda 2 100% mue par la fée électricité. On se disait que l’arrivée du nouveau moteur Skyactiv-X, dont les émissions sont particulièrement faibles, serait la voie choisie par le constructeur d’Hiroshima pour affronter le futur.

Mais en mars dernier, à l’occasion d’un voyage au siège de l’entreprise, le big boss Akira Marumoto en personne a annoncé qu’une toute première Mazda électrique serait dévoilée, en octobre, au Salon de Tokyo. Nous nous y sommes donc rendus, pour découvrir l’engin. Et savoir pourquoi, alors qu’elle travaille en partenariat avec d’autres grands constructeurs japonais sur des questions d’électrification et de voiture autonome, Mazda s’était lancée dans cette aventure toute seule, développant de zéro un modèle entièrement électrique «100% maison».

Les raisons sont multiples. D’abord, le constructeur d’Hiroshima planche sur le sujet depuis longtemps. On l’a dit, il y a déjà eu des prototypes roulants dans le passé. Comme l’explique Kyoshi Fujiwara, le vice-président: «Nous avons beaucoup appris et nous voulions tirer parti de tout le savoir-faire acquis, y compris au niveau de la production. Le véhicule sera d’ailleurs fabriqué dans notre usine de Hiroshima. Il sera totalement électrique mais nous prévoyons, c’est vrai, d’utiliser nos compétences dans le domaine pour équiper d’autres futurs véhicules électriques d’un petit moteur rotatif qui leur servira d’extenseur d’autonomie.»

L’idée de Mazda est d’en faire un véhicule urbain et péri-urbain. On a donc opté pour une relativement petite batterie de 35,5 kWh d’une puissance de 105kW, qui se recharge en courant alternatif 6,6 kW et dont l’autonomie devrait avoisiner les 200 km. Nous avons pu découvrir quelques-unes de ses spécificités et même déjà conduire un prototype, en avant-première, sur une trentaine de kilomètres dans les environs du centre stratégique européen de Mazda près de Francfort. L’occasion de discuter technologie un peu plus avant avec Christian Schultze, directeur de la recherche technologique (lire l’encadré).

L’aspect extérieur de ce prototype était celui du nouveau Mazda CX-30, mais ce n’est qu’un leurre: l’engin repose sur un châssis inédit qui renferme les batteries, fixées au plancher par une structure qui englobe également le système de refroidissement essentiel pour assurer le bon fonctionnement et garantir une meilleure autonomie. Si la peinture, noir mat, attire le regard, c’est bien l’étrange bruit que l’engin émet qui suscite le plus de curiosité. Pour répondre à l’obligation d’avoir un dispositif prévenant les piétons de l’arrivée de véhicules électriques, les constructeurs sont désormais obligés d’équiper leurs engins d’un son émis jusqu’à 30 km/h environ. Sur le Mazda, on dirait une sorte de grillon électronique. Une fois au volant, on entend plutôt les sons créés de toutes pièces pour rendre plus «réelles» les réactions (accélérations, freinages) de la voiture et ne pas dépayser trop les conducteurs habitués à une voiture conventionnelle. Surprenant. Le comportement du véhicule, lui, semble du coup très familier et se révèle convaincant. Les accélérations sont franches sans être spectaculaires, le comportement routier excellent grâce au centre de gravité très bas et le freinage incisif même si, pour cet essai, le prototype ne disposait pas encore de l’entier de la force du freinage régénératif. Là encore, Mazda a prévu un système de freinage «simulé» par le début de course de la pédale de frein qui n’agit que pour augmenter la force de récupération, avant d’actionner vraiment les étriers, pour un vrai freinage, si nécessaire. L’idée étant de conserver à ce véhicule électrique tout le plaisir de conduire et les sensations que l’on peut ressentir à bord d’une Mazda conventionnelle.

C’est dire si, après cet essai, nous étions impatients de découvrir la «vraie» version électrique. Le MX-30 – c’est son nom – que nous avons pu admirer au Salon de Tokyo, ne nous a pas déçus! Un design familier mais qui tranche quand même avec le style Kodo du reste de la marque, une silhouette élégante de SUV coupé avec une touche originale, comme ces «mini portières» arrière qui s’ouvrent à contresens, comme sur la RX-8 ou… les Rolls-Royce. Plutôt classe, mais à vérifier dans la vraie vie question praticité réelle.

L’intérieur réserve aussi son lot de surprises- Le tableau de bord est doté des deux écrans, un pour les réglages et l’autre pour toute la partie infotainment/GPS. Le sélecteur de la boîte automatique se trouve sur une console qui semble «flotter» entre les sièges avant et dont la base est recouverte de liège naturel. Une façon de souligner le côté écologique de l’engin tout en faisant un joli clin d’œil qui renvoie aux origines de la marque quand Mazda s’appelait Toyo Cork Kogyo co et vendait des bouchons pour l’industrie viticole.

Une matière que l’on retrouve également dans les poignées intérieures des portières, offrant une sensation particulière quand on les saisit. Les sièges, eux, sont fait d’un tissu entièrement écologique, issu du recyclage.

Fait rarissime au Japon, le développement du modèle MX-30 a été confié à une femme, Tomiko Takeuchi, pas peu fière de présenter le fruit de son travail: «Nous avons voulu faire un véhicule au volant duquel on peut être en accord avec son style de vie, un espace de vie accueillant, pour se retrouver en famille ou avec des amis, un véhicule très «humain». Ses trois caractéristiques principales sont son design, proche de celui de la marque mais avec ses spécificités de réinterprétation modernes, ses portes à ouverture inversée à l’arrière qui allient le design original et le côté pratique et fonctionnel et le plaisir de conduire que MX-30 va vous procurer. C’est le genre de véhicule qui doit contribuer à rendre le monde meilleur.»

Une voiture diesel est plus «verte» qu’une électrique à grosse batterie

Le traditionnel debriefing d’après test de conduite du prototype, à Oberursel en Allemagne, nous a permis d’éclaircir certains points techniques. Comme d’apprendre que Mazda va ajouter à son modèle définitif un système de réglage de la force du freinage récupératif qui, a priori, devrait permettre de rouler en ville sans presque utiliser la pédale de frein: un des grands atouts des voitures électriques. Christian Schultze: «Mais c’est une chose à laquelle il faut s’habituer. Et puis il y a deux philosophies: soit utiliser tout de suite la force de récupération pour freiner, soit régler la voiture pour qu’elle roule le plus loin possible sans moteur. À nous de trouver le meilleur compromis… Un réglage sur trois niveaux paraît être une bonne solution.»

L’occasion, aussi, de poser une question cruciale: pourquoi se contenter de lancer un véhicule 100% électrique, avec ce que cela impose de limitation d’autonomie et de contraintes de recharge, alors que l’on a pu admirer un «écorché» d’une Mazda électrique déjà équipée d’un extenseur d’autonomie?

Christian Schultze: «Vous avez raison, l’extenseur d’autonomie est une solution élégante. De plus, suivant comment nous le configurons, il peut fonctionner avec de l’essence ou du diesel, mais aussi avec du bioéthanol et même de l’hydrogène. De plus, il est prévu pour tourner à régime constant, au meilleur rendement, pour optimiser son fonctionnement. Il servira uniquement à fabriquer de l’électricité pour alimenter la batterie et, donc, rallonger l’autonomie. Mais pour nous, dans un premier temps en tout cas, le MX-30 est destiné à être un second véhicule, urbain, qui ne sera pas utilisé pour les longues distances.

Du coup, la batterie – et donc l’autonomie – nous paraît suffisante. De plus, une étude de l’Université de Dresde, mené auprès de conducteurs de voitures électriques de première génération, a démontré que l’angoisse de l’autonomie disparaît après 5 semaines, parce que les gens ont appris à se servir de leur véhicule et gèrent mieux la consommation d’énergie. Notre but n’était pas de faire une voiture électrique pour les longues distances, ça n’aurait pas eu beaucoup de sens. À cause de ses batteries, une voiture électrique est beaucoup plus lourde qu’une voiture conventionnelle. À chaque fois que vous devez accélérer, ou maintenir la vitesse, votre consommation d’énergie est très élevée.

»Une autre étude démontre que l’autonomie idéale pour une batterie, pour qu’elle soit intéressante au niveau environnemental, est d’environ 150 à 200 km. Dans le calcul, il faut tenir compte de tous les facteurs pour pouvoir comparer voiture électrique et voiture à moteur traditionnel, pas seulement des émissions sur site. Or si l’on tient compte de l’entier du cycle de vie, il faut aussi du changement de batterie qu’il faut opérer au bout d’un temps pour continuer à bénéficier d’une batterie efficace. Il faut donc prendre en compte, dans le bilan CO2 global, un changement de batterie après, au mieux, 160 000 km. Ce qui revient à dire qu’il faut parcourir environ 80 000 km avant qu’une voiture électrique dotée d’une batterie de 35,5 kWh deviennent plus «verte» qu’une voiture diesel! Une électrique dotée d’une batterie de 95 kWh, elle, n’y parvient… jamais.