Avec la Trophy, Renault sort une version boostée de sa sportive. Première pour une Française, elle atteint la barre des 300 chevaux.


during press tests Megane RS Trophy at Estoril, Portugal, 2018, november 22 to 24 – Photo Gregory Lenormand / DPPI

Circuit d’Estoril, un matin de novembre. Au dessus de nos têtes, le ciel est plombé, rempli de nuages noirs menaçants. Dans la «salle VIP» surplombant la piste, on écoute nos hôtes présenter leur dernier bijou: la Renault Mégane RS Trophy. Même au travers du micro, pendant le petit briefing d’intorduction avant de passer aux choses sérieuses, l’émotion est palpable. Les gens de Renault Sport présents ici, au Portugal, sont fiers. Fiers de leur «bébé», de leur travail, de leur engagement. D’ailleurs ici, les maîtres-mots sont «passion», «envie», «motivation»…

À l’heure où le monde de l’automobile s’engage, de plus en plus, sur une voie du «vert», du «raisonnable», de l’«électrique», ce petit groupe d’irréductibles Français fait, comme d’autres du côté de Stuttgart, de Maranello ou de Zuffenhausen, un peu figure de «village d’Astérix». Ne leur parlez surtout pas de «raison» ou de «conventionnellement correct», ils vont couler une bielle! Pour eux, auto rime avec brio, avec allegro, avec turbo. Eux n’ont que la complication mécanique, la performance, l’excellence en point de mire.

La preuve: la Mégane RS avait pourtant beau être séduisante, efficace et rapide, elle n’était pas encore assez bien pour eux. Du coup, ils ont remis l’ouvrage sur le métier. Et revu la copie, de fond en comble. Pour grignoter des grammes, augmenter la réactivité, booster la puissance ou parfaire le freinage. Et, comme de coutume dans ces cas-là, ce sont les derniers milligrammes, les ultimes parcelles de couple et les dernières poussières de chevaux qui ont été les plus difficiles à débusquer ou à atteindre.

Mais en ce matin de novembre, sous le ciel menaçant d’Estoril, le résultat est là: la Mégane RS Trophy! Et même si, au premier coup d’oeil, on vous met au défi de trouver la différence, elle est pourtant bien là. Allez, on vous donne un truc imparable: approchez-vous de l’avant, de cette fameuse «lame F1» qui souligne la proue agressive de l’engin en même temps qu’elle agit sur l’aérodynamisme pour coller le museau par terre. Là, écrite en simple contraste ton sur ton, figure l’inscription TROPHY, en majuscules. Aucun doute, c’est bien la «nouvelle» qui n’attend qu’une pression sur le bouton START pour rugir.

Avant cela, un petit tour du propriétaire… On l’a dit, peu de choses la distinguent de la version RS «normale». Il y a les jantes, d’abord, identiques à celles du concept RS01, plus légères et montées de pneus Bridgestone Potenza S001. Ça c’est pour la version qui va nous permettre de faire l’essai «civil», sur les petites routes entourant le circuit portugais. La version avec laquelle on affrontera tout à l’heure la piste est équipée de jantes encore plus légères et de pneus Bridgestone Potenza S007. Il y a l’intérieur, aussi. Avec ces baquets Recaro plus bas de 20 mm, qui améliorent encore la position et permettent de faire corps avec la voiture. D’autant que, recouverts d’Alcantara, ils ne pèsent que 23,5 kilos pièces, soit 3 kilos de moins que leurs homologues recouverts de cuir. Et en plus, ils ne «glissent» pas! Idéal. Et puis, il y a la boîte, manuelle en l’occurrence, à six rapports, choisie pour ces essais, même si la version EDC à 6 rapports est également disponible. Parfaite, précise, directe, elle permet des changements ultra rapides.

Il y a, aussi, tout ce qui ne se voit pas à l’œil nu. À commencer par le moteur qui a gagné 20 chevaux et délivre désormais 300 chevaux et 400 Nm de couple (et même 420 en version EDC!), notamment grâce à un turbo dérivé de celui du moteur de formule 1, avec des pièces en céramique pour diminuer les frottements, qui permet une pression plus élevée et un temps de réponse plus court. Ou encore cet échappement entièrement revu, avec une valve active, qui permet de choisir entre une utilisation «plein pot» pour le circuit ou une position plus «civilisée» pour éviter que vos voisins fassent un looping à chacun de vos départs matinaux…

Il y a, enfin, les mille et uns petits détails qui ont permis de grappiller du poids, comme les freins ventilés qui font gagner 1,8 kilo par roue, ou d’améliorer le comportement, comme les quatre roues directrices 4 Control, le châssis Cup 25% plus ferme encore, ou le différentiel Torsen à glissement limité installé à l’avant.

De quoi, sans doute, renforcer encore les ventes d’un modèle qui, fin août, avait déjà atteint les chiffres prévus pour 2018! Oui, la Mégane RS plaît. Les Français, les Allemands, les Japonais et… les Suisses se l’arrachent. On n’ose même pas penser à ce qui va se passer quand la Trophy arrivera… Renault Suisse n’annonce pas vraiment d’objectif chiffré, mais estime que la Trophy devrait représenter environ 40% du nombre total de Mégane RS vendues. Et que parmi ces Trophy, 60% devraient être vendues avec un boîte manuelle et, corollaire, 40% avec la boîte robotisée à commande par palettes au volant.

Mais assez causé, gaz! L’installation à bord est facile et l’assise très confortable, malgré l’incroyable finesse du siège. Le volant se règle sans problème et la position de conduite parfaite est très facile à trouver. On appuie sur le starter, passe l’échappement en mode Sport et… on apprécie en connaisseur le concerto en majeur pour basses qui s’élève de la double sortie des pots. Première, embrayage et… Wow! L’engin a du répondant, c’est certain! Une courbe, deux… Le sourire s’élargit d’un cran supplémentaire: le châssis est prometteur. La Trophy vire à plat, prête à reprendre la vitesse au moindre frôlement sur l’accélérateur. Top!

Les petites routes de l’arrière-pays sont défoncées, recouvertes de coulées de terre, de gravier suite aux pluies des derniers jours? Aucun souci: la RS Trophy semble se délecter de ce terrain de jeu façon «spéciale» de rallye. Et au volant, on s’amuse comme des petits fous. Tout juste remarquera-t-on un avant bien «lesté», qu’il faut prendre bien soin d’inscrire dans la courbe. Mais rien de rédhibitoire. D’autant que l’apport des roues arrière directrices aide bien à la vivacité en courbe.

Calé dans le sièges, on ne bouge pas. Merci l’Alcantara! C’est top. Et ça incite à pousser encore un peu plus l’engin dans ses retranchements. Ça tombe bien, c’est à notre tour d’aller faire un petit pas de deux avec la Trophy sur circuit. Pleuvra? Pleuvra pas? Depuis ce matin, les averses et les éclaircies jouent à cache-cache au-dessus d’Estoril… Aucune importance! Si la piste est sèche, on martyrisera juste un peu plus les freins. S’il pleut, on martyrisera les pneus. Dame! Passer 300 chevaux sur le seul train avant n’est pas simple. Et sur piste mouillée, la tendance au sous-virage serait encore intensifiée.

Finalement, le dieu de l’orage se met de notre côté: les averses cessent et la piste sèche. C’est Byzance! Sur les premiers tours, avec des parties de courbes encore humides, il va falloir faire preuve de patience. Et doser finement l’accélération. Sans quoi la bête regimbe, se déhanche et part en glisse. Tant mieux, on adore ça! Surtout quand, comme ici, la dérobade est saine. Un travers se récupère d’un petit contre-braquage appuyé d’un filet de gaz. Sympa! Et très sécurisant. La voiture était bien née, elle a été encore améliorée.

Au fil des tours, la confiance mutuelle se renforce. Du coup, on repousse les limites, on augmente la cadence et… on retarde les freinages. Le juge de paix d’Estoril? La vitesse de pointe en fond de ligne droite, directement commandée par la vitesse de sortie de la grande courbe à droite qui précède. Sur le premier run, piste mouillée, le meilleur résultat est 117 km/h. Pas mal. Mais on insiste. Au meilleur tour du second run, l’aiguille a atteint 220 km/h. C’est plus que bien.

during press tests Megane RS Trophy at Estoril, Portugal, 2018, november 22 to 24 – Photo Gregory Lenormand / DPPI

Pour la dernière série de cinq tours, on hérite d’une voiture qui sort du box. Du coup, les deux premiers tours ne vont servir qu’à… chauffer les pneus. Mais le troisième sera le «bon»: 222 km/h. On est certes loin de notre «record» de 284 km/h. Mais c’était au volant… de la McLaren Senna! Un monstre. C’est dire si les 222 réussis avec le moteur 1,8 litre de la Mégane RS Trophy sont respectables. Vrai que ce «petit» moteur, conçu et fabriqué à Busan, en Corée du Sud, est une petite merveille dont l’Alliance peut être fière. Ce n’est pas pour rien si c’est lui, aussi, qui équipe l’Alpine A110… Jolie référence.

Les points forts? Un moteur toujours volontaire, prompt à prendre des tours et dont la plage d’utilisation monte jusque à la limite des 6800 tours/minutes sans le moindre creux. Une direction précise et directe. Une maniabilité augmentée par les roues arrières directrices dans les courbes lentes serrées et une boîte manuelle courte et très précise.

Les points faibles? Un freinage à l’attaque un peu trop douce, qui nécessite de vraiment «taper» dans la pédale pour obtenir un effet «course». Mais qui, en revanche, se montre souverain et sans la moindre trace de fading. Et une puissance telle que, malgré le différentiel Torsen à glissement limité, les pneus se mettent relativement rapidement à protester en usage, disons, «intensif», De quoi parfaire votre technique du pilotage et vous enseigner la patience. Mieux vaut réduire encore plus la vitesse d’entrée en courbe pour, une fois le point de corde franchi, pouvoir accélérer franchement en relance. La vitesse de pointe est à ce prix. Glisser en courbe est certes spectaculaire et sympa mais, au niveau du chrono, fort peu productif…

Mais le bilan est largement plus que positif. On s’extasie toujours devant la puissance que les ingénieurs parviennent à tirer d’un bloc «réduit». Mais on salue, surtout, le boulot des gens qui ont procédé à la mise au point et aux réglages fins du châssis. Parvenir à obtenir, au bout du compte, une voiture aussi «facile», aussi homogène et aussi sécurisante est un vrai tour de force. Et les gens de Renault Sport l’ont relevé avec panache.

Alors, même si la Mégane RS Trophy va à l’encontre du mainstream actuel, on applaudit des deux mains le résultat. Et, parmi toutes les solutions techniques futées que recèle ce petit bijou mécanique, on avoue qu’on aime assez l’idée du gars qui a eu l’idée géniale de… couper la batterie en deux! Une moitié traditionnelle, au plomb, à peine plus large que celle d’une moto, pour assurer les besoins d’alimentation du tableau de bord et des différentes fonctions «vitales»; l’autre constituée de condensateurs, à la puissance élevée mais au poids très réduit, permettant de… démarrer. Au final, cinq kilos de gagnés, pour un encombrement comparable? Fallait juste y penser.  Chapeau!

FICHE TECHNIQUE

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